—
Résumé
À partir du constat d’une multiplication des logiciels, des formats et des systèmes de diffusion et de lecture dans le domaine de la publication, nous souhaitons montrer en quoi l’utilisation des technologies du web, dans l’ensemble de la chaîne éditoriale (écriture, édition, mise en forme et diffusion), nous semble plus adaptée au contexte actuel grâce à leur standardisation, leur modularité et leur interopérabilité. Nous proposons d’étudier les aspects écologiques et politiques induits par cette utilisation à travers trois pistes de réflexion : une écologie par le libre grâce à l’émancipation des logiques propriétaires induites par certains logiciels ; une écologie par la programmation grâce à l’utilisation et la production d’objets ouverts ; et une approche plus matérielle de l’écologie à propos notamment du poids des publications et des besoins énergétiques des systèmes de production. Nous verrons à travers ces approches qu’il est indispensable de penser ensemble le travail d’écriture, d’édition et de design graphique. L’étude de plusieurs exemples récents démontre que la mise en pratique et la réussite d’une telle transformation de la chaîne éditoriale est possible. Cinq concepts clé pour une approche décroissante de la chaîne éditoriale sont finalement proposés.
Ce texte est issu d’une communication effectuée en 2017 au colloque « Les écologies du numérique » à l’ÉSAD Orléans, écrit en 2018 et actualisé en 2019.
—
Mots clé
Design, édition, écologie, libre, chaîne éditoriale
—
Biographies
Julie BLANC
Julie Blanc est doctorante en design graphique et ergonomie (EUR ArTeC / Université Paris 8 – EA349 / EnsadLab). Dans sa pratique professionnelle, elle contribue au développement de Paged.js et conçoit différents projets éditoriaux multi-supports avec l’utilisation des technologies du web, notamment le langage CSS. Site web: julie-blanc.fr
Antoine FAUCHIÉ
Antoine Fauchié est doctorant au Département de littératures et de langues du monde de l’Université de Montréal. Son travail de recherche, dirigé par Marcello Vitali-Rosati et Michael Sinatra, porte sur les processus de publication et interroge les rapports entre édition et technologie, littérature et technique, et s’inscrit dans l’approche pluridisciplinaire des humanités numériques. Coordinateur de projets à la Chaire de recherche du Canada sur les écritures numériques, Antoine Fauchié met en pratique ses recherches et questionne les outils et les chaînes d’édition auxquelles il contribue. Son carnet de recherche est disponible en ligne : www.quaternum.net
Dans le domaine de l’édition et de la publication, nous observons une multiplication des logiciels, des formats et des systèmes de diffusion et de lecture. Cette multiplication fait suite à l’apparition de supports électroniques (ordinateurs, tablettes, smartphones, liseuses) la création de réseaux comme Internet et le web dès la fin du XXe siècle. Ainsi, aujourd’hui, plusieurs formats et systèmes de diffusions numériques sont disponibles et coexistent : sites web et bases de données, applications, livres numériques au format EPUB, etc. Les situations de lecture se retrouvent alors elles aussi démultipliées à travers nos écrans. Nous lisons tous dans nos navigateurs web et disposons sur nos machines de lecteurs dédiés aux fichiers PDF. Le livre numérique est quant à lui consultable sur des logiciels et applications de lectures d’EPUB (iBooks, Readium, Lisa, Lithium, etc.)[1]. Même au niveau de l’imprimé, de nouvelles possibilités apparaissent en complément d’une diffusion imprimée classique[2], notamment grâce à l’impression à la demande (Print on Demand, POD) qui offre de nouveaux types de productions possibles[3].
En parallèle, les environnements de création et de production évoluent eux aussi dans l’ensemble de la chaîne éditoriale. Les auteurs, éditeurs et designers graphiques peuvent ainsi utiliser différents logiciels de traitement de texte, systèmes de gestion de contenus, langages d’écriture ou logiciels de publication assistée par ordinateur. Pour autant, ces logiciels sont souvent difficilement adaptés aux nouvelles pratiques de diffusion et de lecture, et particulièrement en ce qui concerne le travail de design graphique.
Par ce texte, nous souhaitons montrer en quoi l’utilisation des technologies du web, dans l’ensemble de la chaîne éditoriale (écriture, édition, mise en forme et diffusion), nous semble plus adaptée au contexte actuel grâce à leur standardisation, leur modularité et leur interopérabilité. Il conviendra aussi d’étudier les aspects écologiques et politiques induits par cette utilisation. Nous proposons pour cela trois pistes de réflexion :
Nous verrons à travers ces approches qu’il est indispensable de penser ensemble le travail d’écriture, d’édition et de design graphique. Enfin, nous finirons sur un exemple pertinent de transformation de chaîne éditoriale pour démontrer que la mise en pratique et la réussite d’une telle entreprise est possible.
Dans sa définition la plus simple, une chaîne éditoriale est l’ensemble des activités, processus et outils permettant de publier ou d’éditer un livre ou une revue[4]. Une chaîne éditoriale a pour objectif de gérer des contenus depuis le manuscrit d’un auteur jusqu’à la publication imprimée ou numérique d’un ouvrage, en passant par les phases de relecture, de structuration et de mise en forme. Cette chaîne, ce workflow, est le noyau technique d’une maison d’édition lui permettant de manipuler des textes et de leur donner vie sous forme de livre ou de revue. Elle comprend des humains, des rôles, des relations, des logiciels, des méthodes, des savoir-faire, des formats, des processus de diffusion et de distribution, une partie de conception et de fabrication (design, composition, impression), etc.
Nous observons actuellement de plus en plus de logiciels et de formats disponibles dans les chaînes éditoriales : des logiciels de traitement de texte (Microsoft Word, LibreOffice Writer), des systèmes de gestions de contenus (CMS) généraux ou spécialisés, des formats de texte enrichis et leurs outils associés, des éditeurs de texte ou de code, des pads (éditeurs de texte en ligne et collaboratif) et des logiciels de publication assistés par ordinateur (PAO). Ces logiciels et ces formats sont utilisés pour l’écriture, l’édition, la correction, la composition et la mise en forme.
Ils structurent les chaînes éditoriales et dépendent des contraintes de ses acteurs. Parfois, ils peuvent être imposés par un éditeur afin que toutes les composantes puissent travailler ensemble sur un même format ou protocole.
Malgré cette diversité de logiciels, dans la grande majorité des cas, la chaîne éditoriale se résume aujourd’hui à l’assemblage de deux logiciels hégémoniques : un traitement de texte et un logiciel de publication assistée par ordinateur. L’objectif final est souvent de fabriquer un format PDF destiné à l’impression, et un format EPUB pour le livre numérique. Du côté de l’écriture et de l’édition, les logiciels de traitement de texte les plus répandus sont Microsoft Word et LibreOffice Writer, que ce soit pour des publications numériques ou imprimées. Du côté de la composition et de la mise en forme, Adobe InDesign semble indétrônable dans les pratiques des professionnels du champ du design graphique et de la composition. Nous observons des pratiques en silo, où chaque métier utilise son propre logiciel avec une compatibilité souvent difficile, voir impossible. Ainsi, une fois le texte entré dans un logiciel de PAO, seul le designer graphique a accès au fichier source du livre. Les corrections deviennent plus fastidieuses et se basent le plus souvent sur des échanges à partir de PDF annotés.
Nous postulons que la place prise par les logiciels est essentielle car ils sont les moyens de production de tous les acteurs de la chaîne éditoriale. Or ces logiciels portent des valeurs culturelles, sociales et politiques qui structurent les façons de travailler de par leurs contraintes : apprentissage, connexion internet, abonnement à un service, évolutions du logiciel, interconnexion avec d’autres logiciels, interopérabilité, pérennité des fonctionnalités, etc.
Aussi, les logiciels de traitement de texte et de PAO enferment leurs utilsateurs dans une culture du What You See Is What You Get : « ce que vous voyez est ce que vous obtenez », c’est-à-dire qu’il y a une forme de dépendance liée à la maîtrise visuelle du résultat. Le travail de production du texte est continuellement perturbé par des mises en forme s’orientant vers une simple présentation plutôt qu’une réelle structuration de chaque élément[5]. Le sens du texte est rendu facultatif et passe par son simple rendu graphique sans structuration (sémantique et informatique). La manière dont le texte est produit n’est nullement adaptée à une diffusion multisupport, il n’a aucune plasticité et reste viscéralement dépendante d’une forme liée majoritairement à l’imprimé et à un format unique.
D’un point de vue écologique purement matériel, les systèmes et les logiciels informatiques utilisés sont globalement de plus en plus lourds et énergivores : les fonctionnalités non-essentielles s’accumulent, la dette technique engendrée s’accroît[6] et les ressources énergétiques et de calcul nécessaires à leur fonctionnement augmentent sans cesse. Word et InDesign ne sont pas des exceptions. L’accroissement de menus et de boutons aux fonctions toujours plus poussées ne suis pas l’accroissement d’utilisation de ces fonctionnalités[7].
Nous assistons à une uniformisation et à une immobilisation de la plupart des chaînes éditoriales. Pourtant, avec la multiplication des situations de lecture, les évolutions n’ont jamais autant été nécessaires. Heureusement, des initiatives ont émergé pour produire à partir d’une source commune plusieurs formes et formats – de la version web à l’objet imprimé en passant par différents formats numériques[8]. Le secteur doit continuer à interroger ses pratiques, ses méthodes et ses outils. Face à cet impératif, nous proposons de nous inspirer des méthodes du web et de ses technologies.
Les technologies du web ont avant tout été mises en place pour créer, produire et diffuser des documents. Le web est donc, à l’origine, pensé comme un écosystème de documents. Son histoire est une histoire de publication : sites universitaires, sites personnels, blogs, carnets en ligne, plateformes de partage de documents, etc. Encore aujourd’hui, le web conserve cette logique, dans sa forme et ses usages, mais également dans la manière dont il est conçu et produit. Pour la publication académique notamment, il représente un enjeu de taille pour la diffusion la plus large possible des résultats de la recherche, y compris dans des formats comme le XML. Les revues académiques ont par ailleurs été parmi les premiers types de publications à être mis en ligne. Le format de l’article se prêtait tout particulièrement aux caractéristiques de l’hypertexte, l’une des spécificités du texte numérique et du World Wide Web[9].
Les technologies sur lesquelles le web repose sont puissantes, elles s’appuient sur des standards ouverts : protocole HTTP pour la communication, HTML pour la structuration logique et sémantique avec des liens hypertextes liant les documents entre eux[10], CSS pour la mise en forme[11], et JavaScript[12] pour, entre autre, l’interactivité. Ces standards sont portés par des consortiums et possèdent de solides communautés de professionnels.
Aujourd’hui, outre la publication de contenus sur des sites web, les possibilités du web évoluent vers la publication hors ligne – c’est-à-dire sans nécessité de connexion –, en particulier par le format ouvert standardisé EPUB (pour le livre numérique) et par un nouveau type d’application, les Progressive Web Applications (PWA)[13] – utilisées notamment pour des livres web ou de la publication web to print pour créer des objets imprimés depuis un navigateur.
Le web est donc, peut-être pour la première fois dans l’histoire des médias, autant un environnement de production que de publication. Il est à la fois un vecteur de diffusion majeur, mais les technologies qui en sont issues peuvent aussi être utilisées pour la conception et la production de nombreux objets éditoriaux. À partir de là, nous souhaitons explorer comment ces technologies du Web ouvrent la voie à de nouvelles pistes pour la conception de chaîne éditoriales.
Distinguons pour cela trois niveaux dans les chaînes éditoriales où peuvent intervenir les technologies du web : l’un concerne la modularité des briques logicielles utilisés pour la production et la conception d’objets éditoriaux (autant pour l’écriture, l’édition ou la mise en forme), l’autre la conception d’interface de lecture en vue de leur diffusion et enfin le dernier, la production de fichiers imprimés.
De plus en plus d’outils sont aujourd’hui basés sur les technologies du web[14] (Blanc et Haute, 2018). Ceux-ci peuvent être des logiciels ou des applications embarquant des web views, des services disponibles directement en ligne ou encore des librairies JavaScript proposant d’augmenter les possibilités des navigateurs. Du fait de leur construction à partir de langages standards, ces différents outils sont interpolables entre eux. Ils peuvent alors être considérés comme des briques logicielles permettant de construire des environnements modulaires via l’interfaçage de solutions déjà existantes ou inédites.
Nous pouvons ainsi envisager la construction d’une chaîne éditoriale spécifique à une demande via l’assemblage de plusieurs programmes interdépendants (tous basés sur les technologies du web ou en lien avec elles). Par exemple, il peut être possible de coupler un éditeur de contenu avec interface graphique à un système de versionnage basé sur Git pour ensuite produire un livre web à partir d’un générateur de site statique. Une porosité devient possible entre les différentes phases d’édition – de l’écriture à la diffusion: tout changement depuis l’éditeur entrainera automatiquement un changement dans le livre web produit. De plus, les fichiers sources étant branchés à un système de versionnage, cela permet à tous les acteurs de la chaîne d’accéder instantanément à tous les changements. De nouvelles opportunités pour mettre en place des pratiques de production collaboratives apparaissent[15].
Pour mettre en forme un site web, un document HTML doit être couplé au langage CSS (Cascading Style Sheets). Les évolutions récentes de CSS permettent des mises en forme de plus en plus poussées appuyant la lisibilité et la compréhension des contenus. Déjà, depuis près d’une décennie, de nouvelles logiques de mises en forme sont apparues basées sur des principes de liquidité ou d’adaptabilité – responsive en anglais[16]. La mise en page du contenu peut ainsi être adaptée de manière automatique et dynamique en fonction du type de support d’affichage – la dimension de l’écran par exemple – mais aussi en fonction du contexte de lecture, de l’utilisateur, ou d’autres paramètres.
Ainsi, les technologies du web permettent de publier des contenus éditoriaux interactifs, multimédias, multisupports et multi formats adaptés aux différents supports électroniques aujourd’hui disponibles pour la lecture. Il nous semble par ailleurs indispensable que les designers graphiques maîtrisent ces technologies s’ils veulent concevoir des objets éditoriaux numériques pertinents tout en reconsidérant leur part sensible de manière spécifique.
La conception d’objets éditoriaux avec les technologies du web peut être aujourd’hui envisagée jusque dans leur version imprimée. Le W3C, organisme chargé de la standardisation des langages du web, a ainsi imaginé un ensemble de règles et propriétés CSS permettant de créer des feuilles de style spécifiquement destinées à la mise en page imprimée de documents HTML[17]. Il est donc possible de concevoir des objets imprimés sans passer par des logiciels spécialisés de PAO et ce, sans non plus délaisser leurs qualités graphiques.
Ainsi, un même format HTML peut être mis en forme indifféremment pour un support numérique ou imprimé grâce à des feuilles de styles CSS distinctes – l’une pour un site web affiché dans un navigateur, et une autre pour produire un fichier PDF qui sera imprimé. Les possibilités de convergences éditoriales entre le papier et l’écran sont favorisées par l’utilisation des mêmes outils et méthodologies pour les deux supports et l’ensemble du travail graphique et interactif s’en trouve transformé.
Ces trois niveaux nous montrent qu’il est possible de travailler avec les mêmes technologies à chaque étape de la chaîne éditoriale (production, mise en forme, diffusion). De même qu’une interface avec des champs de saisie ou un logiciel d’écriture peuvent modifier l’écriture d’un texte[18], les choix quant à la structuration d’un texte en vue de sa mise en forme puis de sa publication ont une forte influence sur les objets finaux produits. Nous voyons là l’importance de penser ensemble la forme des interfaces d’écriture et de lecture, la structuration des données et les fonctions logiques des codes source informatiques. Seule l’utilisation des technologies du web nous semble pouvoir répondre à cet enjeu. Ainsi, les formats et les artefacts peuvent être produits dans un même geste éditorial, jusqu’au travail de design graphique et interactif.
Nous arrivons ici au cœur de notre proposition. À partir de cette utilisation des technologies du web, une approche écologique des chaînes éditoriales peut être déployée à différents niveaux : une écologie par l’utilisation de logiciels et formats libres, une écologie par la programmation grâce à l’utilisation et la production d’objets ouverts, et enfin une approche plus matérielle de l’écologie basée sur le poids des publications et les besoins énergétiques de l’ensemble de la chaîne éditoriale.
Comme nous l’avons déjà vu, les chaînes éditoriales sont globalement dominées par des logiciels de traitement de texte et des logiciels de publication assistée par ordinateur propriétaires (Microsoft Word, la suite Adobe, etc.). Suite à l’apparition de la publication numérique (EPUB, application dédiée, site web, etc.) de nombreux acteurs se sont emparés du marché pour proposer davantage de logiciels facilitant la création graphique et interactive. Or, les logiciels propriétaires posent de nombreux problèmes liés à l’interopérabilité des données et à leur pérennité – voire même quant à la pérennité des logiciels eux-mêmes. Ces problèmes sont non seulement techniques mais aussi politiques.
Les logiciels propriétaires sont le plus souvent vendus, édités et mis à jour par de grandes entreprises multinationales ayant leurs propres logiques politiques et économiques. Les utilisateurs doivent alors se plier aux règles d’utilisation et aux évolutions que ces structures économiques leur imposent. Ainsi, les systèmes par abonnements de plus en plus nombreux et les offres basées sur le cloud posent non seulement la question de la prolétarisation de leurs utilisateurs (qui louent littéralement leurs outils de travail[19]), mais aussi celle de la sécurité et de la pérennité des données. Les exemples ne manquent pas.
Fin 2017, des journalistes et éditeurs français et américains ont signalé ne plus avoir accès à leurs documents stockés et gérés via Google Docs, service en ligne de traitement de texte collaboratif[20]. Il semblerait que Google s’est permis un droit de regard sur les documents des comptes utilisateurs et ait supprimé certains contenus selon une mystérieuse violation des conditions d’utilisation du service. Ici, les documents étaient en processus d’édition, mais nous observons que même une publication ne garantit pas leur accès et leur pérennité. En 2012, l’édition Single d’Adobe Digital Publishing Suite (DPS) est proposée dans le cadre d’un abonnement Creative Cloud. Le logiciel permet de créer des publications numériques pour iPhone et iPad « de manière totalement intuitive, sans avoir à écrire la moindre ligne de code »[21] et de les diffuser via le magasin d’applications d’Apple (App Store). Éditeurs et designers s’en emparent pour proposer des livres numériques interactifs. Deux ans après son lancement, le logiciel est soudainement retiré par Adobe suite à des problèmes répétés de mises à jour du logiciel lui-même[22]. Or, les applications publiées doivent elles aussi être mises à jour afin de suivre les évolutions des systèmes d’exploitation d’Apple et rester disponibles sur l’App Store. Sans le logiciel, le format devient inutilisable et les applications ne sont aujourd’hui plus maintenues et donc plus disponibles.
Cet exemple montre que les designers graphiques doivent prêter attention à leurs outils s’ils ne veulent pas soudainement se retrouver en défaut. De même, l’utilisation unilatérale d’Adobe InDesign pour les publications imprimées ne se retrouve pas exempte de disparition malgré sa dominance économique sans faille. Une coupure d’accès décidée par l’entreprise pourrait soudainement mettre au chômage technique l’ensemble d’une profession. En octobre 2019, Adobe retire ses services au Venezuela et coupe tout accès à ses comptes suite à un décret américain interdisant à ces entreprises de faire des affaires dans le pays[23]. Quelques semaines plus tard, les abonnements seront rétablis suite à quelques négociations, mais le mal est fait.
Concernant l’interopérabilité et la pérennité des données elles-mêmes, généralement les formats produits par les logiciels propriétaires sont eux aussi propriétaires et ne sont modifiables et/ou lisibles que dans le logiciel même où ils ont été créés[24]. Or, les différents métiers présents dans les chaînes éditoriales n’utilisent pas les mêmes logiciels et le transfert de données d’un logiciel à un autre peut se faire avec une perte importante. Le problème a longtemps perduré avec Microsoft Word et son format binaire propriétaire « .doc », tous les deux utilisés par les auteurs et les éditeurs. Sa place hégémonique dans le domaine de la bureautique l’a toutefois obligé à mettre en place une compatibilité (et non une interopérabilité). Il est ainsi possible d’ouvrir un fichier Microsoft Word avec le logiciel libre LibreOffice, avec toutefois un risque de perte de données.
Ces quelques exemples montrent qu’aborder la question des outils libres et des formats ouverts dans les chaînes de publication est essentielle, et ce particulièrement dans les logiciels utilisés par les éditeurs et les designers. Depuis plus de quatre décennies, des communautés d’informaticiens et d’utilisateurs proposent des logiciels libres et open source permettant de s’émanciper de ces logiques propriétaires. Ils forment ensemble la culture du libre, basée sur quatre libertés fondamentales. Ces libertés sont l’utilisation, la copie, l’étude et la modification des logiciels ainsi que la redistribution des versions modifiées. Elles se basent donc sur deux caractéristiques essentielles : la distribution du code source d’un logiciel et la possibilité de modifier ce code.
Ainsi, un logiciel libre est plus résiliant qu’un logiciel propriétaire. Sa copie n’est pas restreinte et son ouverture permet de l’adapter à différents besoins. La coopération entre ses utilisateurs est d’ailleurs encouragée et sa maintenance est assurée par une grande communauté. Les formats produits par un tel logiciel sont encore plus intéressants car ils sont ouverts et standardisés. L’interopérabilité entre les logiciels est donc possible, et cette interopérabilité est la condition d’une modularité dans tout système informatique.
Dans le cas du design graphique les initiatives en faveur du logiciel libre existent, bien qu’elles restent encore marginales. Le collectif Open Source Publishing (OSP) a par exemple développé depuis ses débuts une intense réflexion sur la façon de concevoir, fabriquer et produire des supports imprimés et numériques, en utilisant uniquement des ressources et des logiciels libres. Ils s’engagent dans une culture du libre plus large où ils pointent la nécessité de « constituer un milieu écologique de pratiques qui rompent avec l’idée de la création ex nihilo et solitaire afin de favoriser l’échange et la réappropriation des œuvres[25] ». Cette position se répand dans le monde du design graphique comme en atteste le collectif Luuse ou l’initiative PrePostPrint. Leurs productions montrent que ces approches constituent des résultats opérationnels, maîtrisés et pertinents pour les commanditaires avec qui ils travaillent. Il est possible de produire des objets complexes et réussi comme le démontre l’ouvrage The Riddle mis en page par OSP à partir d’un logiciel libre qu’ils ont conçu (HTML2Print).
Utiliser des logiciels libres est un premier pas vers des chaînes éditoriales modulaires. Cet enthousiasmant panorama ne doit cependant pas en faire oublier certaines contraintes. Même si leur code source est documenté, il faut souvent une très grande habilité dans la programmation de langage complexes de bas niveaux pour modifier ces logiciels. Dans la plupart des cas, l’utilisation de ces logiciels reste donc semblable à leurs équivalents propriétaires. Les mêmes paradigmes sont reproduits, avec parfois beaucoup moins d’efficacité.
Pour envisager de nouveaux pradigmes dans les pratiques éditoriales et que ceux-ci puissent être saisis par différents acteurs, il faut donc se tourner vers des langages de plus haut niveau. C’est ce que nous proposons par l’utilisation des technologies du web, plus facilement accessibles que d’autres langages. Nous allons donc maintenant voir comment ces technologies sont une opportunité pour penser un nouvel environnement, et non dupliquer un modèle.
L’approche programmatique a pour but de s’extraire des contraintes imposées par le logiciel propriétaire, et de contourner les limites induites par le logiciel libre – en tant qu’il reproduit le modèle du logiciel propriétaire, l’interopérabilité en plus.
Il s’agit de prendre toute la mesure de cette programmation, à plusieurs niveaux : la structuration des contenus, l’ouverture des formats et des outils, et enfin la question de la production des artefacts numériques et imprimés.
Pour structurer un contenu de manière sémantique et non de manière simplement formelle, il faut dépasser l’utilisation de logiciels de type WYSIWYG (What You See Is What You Get) pour nous tourner vers des solutions de type WYSIWYM (What You See Is What You Mean). De nombreuses alternatives existent, parfois depuis plus longtemps que les traitements de texte et les logiciels de PAO utilisés aujourd’hui massivement.
Pour éclairer notre position et illustrer la distinction entre WYSIWYG et WYSIWYM, nous devons faire appel à la distinction faite par Gilbert Simondon entre objet technique abstrait et objet technique concret[26]. Nous pouvons constater qu’un traitement de texte – tel que Word – n’est qu’un objet technique abstrait, un ustensile : son fonctionnement linéaire ne fait que répondre à un besoin précis, il n’est pas en mesure d’évoluer au-delà de ses fonctions – inscrire, structurer et mettre en forme des contenus sur le modèle de la page imprimée. Des workflows comme LaTeX[27] ou AsciiDoc[28] présentent des potentialités plus grandes, dont la gestion aisée et puissante de formats numériques, parce qu’ils reposent sur des standards établis et partagés. LaTeX ou AsciiDoc peuvent être des solutions évolutives, par le biais d’autres composants qui viennent combler certains besoins.
Ce que nous souhaitons souligner ici c’est la nécessité de dépasser les solutions monolithiques et isolées des les traitements de texte classiques. LaTeX et AsciiDoc répondent à des besoins précis et constituent une piste pour penser une chaîne éditoriale modulaire, par exemple en étendant leurs fonctions grâce à une approche liée au développement web. Une fois un contenu écrit, édité et structuré, il est prêt à être mis en forme. Nous pouvons ainsi envisager des solutions techniques qui peuvent s’adapter et être malléables.
Par définition, le code source d’un logiciel propriétaire est fermé, ce qui le transforme en une véritable « boîte noire » où les utilisateurs n’ont aucune idée de son fonctionnement qui se retrouve invisibilisé. Or les dispositifs numériques utilisés pour la conception et la production construisent et imposent des gestes en ajoutant leurs propres médiations à l’objet produit. Pour l’historienne Annick Lantenois, ces logiciels « sont de la pensée qui dicte – impose – les formes, les syntaxes, les structures et, globalement, l’environnement sensible de lecture et d’écriture. Ce sont des « objets de culture » desquels dépendent la singularité ou le formatage des expériences esthétiques indispensables au processus d’autonomie de tout individu[29] ».
Dans des logiciels comme Microsoft Word ou Adobe InDesign, le savoir-faire est encodé dans un usage normalisé, rationalisé et déterminé à l’avance, il n’est plus qu’une suite de « sélections » d’actions à partir de menus prédéfinis, comme l’exprime Lev Manovich dans Le langage des nouveaux médias[30]. Ce processus a tendance à uniformiser la production graphique à travers une normalisation des pratiques, mais a aussi introduit une grande confusion réduisant une partie du design à une simple pratique esthétique. Qui plus est, lorsqu’il s’agit de publication numérique, la production de l’objet final est la plupart du temps confiée à d’autres acteurs exécutants (développeurs, ingénieurs) après sa conception graphique. La séparation de la conception et de la production entraîne des difficultés quant à la production de différentes formes et formats dans un même geste. En se privant d’un dialogue avec l’exécution, le designer graphique prend le risque de ne pas comprendre pleinement les potentialités graphiques, structurantes et interactives des différents supports avec lesquels il travaille.
Dans son travail de mise en forme, le designer graphique associe les formes graphiques à un certain genre textuel s’insérant dans la culture d’une époque. Or, ces formes, en étant intégrées sur de nouveaux supports, sont complètement transformées. Comme le dit le chercheur en communication Yves Jeanneret, concevoir des objets suppose « à la fois l’invention de nouveaux codes (adaptés à un nouveau support), la reprise de formes anciennes (susceptibles de permettre une reconnaissance) et la création globale d’une forme textuelle capable d’organiser ces matériaux divers[31] ». Les formes signifiantes sont donc développées dans une double relation, « une relation technique aux propriétés de traitement de la machine et une relation culturelle aux moyens d’interprétation des hommes et aux codes partagés[32] ». La production numérique par le biais de la programmation réinterroge certains choix esthétiques et règles graphiques de l’édition en l’influençant par ses possibles : facilité de transmission et de partage, structuration logique, soumission au calcul, etc., et pour le design : paramétrique, adaptatif, aléatoire, etc.
Au-delà de considérations politiques et économiques liées à l’utilisation des logiciels libres, il apparaît donc que seul l’usage direct de la programmation avec les technologies du web permettrait un véritable design des publications imprimées et numériques. Le fait de travailler sur un flux commun qui génère autant les versions imprimées que numériques permet d’autant plus de croiser les contraintes : la liquidité du numérique aura une influence sur les productions imprimées, et le souci et la maîtrise typographique de l’imprimé auront une influence sur les objets numériques.
Les technologies du web, introduisant la possibilité de construire des systèmes modulaires, permettent d’envisager une évolution des chaînes de publication beaucoup plus vaste. Elles ouvrent la perspective d’un objet technique concret dont les fonctionnalités sont imbriquées, et une individualisation permettant une évolution au-delà des fonctions primaires. Prenons un exemple pour illustrer cette hypothèse : l’utilisation des technologies du web pour concevoir et fabriquer conjointement un site web et un livre numérique, puis pour fabriquer des livres imprimés, puis pour fabriquer des applications web. À chaque nouvelle production d’artefact un composant peut être ajouté, en synergie avec ceux déjà présents.
Se tourner vers un usage de la programmation, notamment en utilisant les standards du web, et s’affranchir des structures de contrôle imposées par un logiciel permettrait la construction d’une culture technique du design éditorial, adaptée à l’ère de l’informatique, à travers un rapport sensible et créatif aux techniques. Il suffirait alors de développer des pratiques réflexives et éclairées du code, envisagées comme un outil de création.
Face à des systèmes ouverts, l’utilisateur, le designer ou l’éditeur reprennent leur rôle de chef d’orchestre comme l’a exprimé Gilbert Simondon dans Du mode d’existence des objets techniques[33]. L’homme n’est plus au-dessus ou en-dessous de la machine ou du programme, il est parmi la machine ou le programme. Nous pouvons compléter cette perspective avec la distinction établie par Anthony Masure : le fait de créer notre propre « appareillage » en se dotant de technologies favorisant des pratiques non dirigées d’avance nous permet de passer de facultés « employées » à des facultés « exercées[34] ».
La conception « d’objets techniques ouverts[35] » déploie un potentiel évolutif et perceptif car ils peuvent engager une participation qui dépasse celle envisagée par le constructeur. Non seulement ils permettent à chacun de créer ses propres conduites en s’inspirant de celles des autres, mais ils offrent aussi la possibilité de constater en eux la trace de l’invention. Comme le soulignent les designers Alexandre Leray et Stéphanie Vilayphiou d’Open Source Publishing : « Simplement par son usage, le logiciel libre a tendance à s’exposer, à afficher sa matérialité, à rendre visible sa construction[36] ».
En 1995, le poids moyen d’une page web était de 14 Ko. En 2015, il atteint 1600 Ko, quintuplant en seulement 20 ans. Aujourd’hui il n’est pas rare d’observer des pages web dépassant allègrement les 3 Mo. À l’échelle individuelle, ce surplus numérique n’est pas bien lourd, mais, cumulé, cela représente une empreinte environnementale colossale. En 2014, les internautes téléchargeaient 1400 millions de Go inutiles sur des sites mal conçus. Ces pages trop lourdes cumulent 311 millions d’heures d’attentes et accélèrent l’obsolescence programmée des appareils n’ayant plus la puissance nécessaire[37].
Comment pouvons-nous alors agir sur l’impact écologique de la publication numérique en nous concentrant sur les pratiques d’édition ? L’objectif ici est d’optimiser leur conception et leur production à travers une phase durable et générale de décroissance : consommer moins de ressources et d’énergie, consommer mieux, adapter les fonctionnalités des outils aux pratiques réelles. Cette approche peut être développée sous plusieurs formes dont voici 5 exemples :
1. Standards et mode collectif : il s’agit de disposer d’outils ouverts afin de permettre communication entre différents programmes – l’interopérabilité –, ainsi que la pérennité des contenus. Cela garantit implicitement un accès équitable aux moyens éditoriaux. Il est alors possible de construire et de maintenir une culture de l’écrit numérique luttant de ce fait contre l’obsolescence programmée des formats – et indirectement des objets électroniques.
2. Gain d’énergie : structurer et mettre en forme des contenus, pour le numérique et le papier, à partir de formats standardisés, augmente le gain d’énergie et d’effort pour les individus qui participent au système de publication. Cela peut paraître évident, mais une grande partie des documents disponibles en ligne ne sont pas des pages HTML (le standard du web) mais notamment des fichiers au format PDF, et les systèmes d’écriture actuels reposant sur des logiciels ou formats propriétaires sont particulièrement instables, changeant régulièrement.
3. Optimisation et légèreté : il est essentiel d’adopter une approche combinant optimisation et légèreté dans la conception des systèmes de publication. Certains logiciels cherchent à résoudre un maximum de problèmes dans des situations ou domaines très différents : cette surconception engendre plus de problèmes que de solutions, elle rend l’appareillage lourd et demande beaucoup de ressources informatiques. Rester simple, sélectionner uniquement les fonctionnalités pertinentes, limiter les ressources nécessaires : cela doit faire partie des paramètres de décision des dépendances et autres frameworks. Par cette pratique de l’efficience, le but est de consommer le moins possible de ressources physiques pour atteindre un objectif. Ces efforts doivent se faire dans toutes les étapes de la conception : expression du besoin, conception fonctionnelle et technique, maquettage, conception graphique, développement, maintenance évolutive et corrective, etc.
4. Hors connexion : nous devons aussi nous rapprocher autant que possible de moyens de conception ne nécessitant pas une connexion permanente. À ce titre nous pouvons prendre l’exemple de Git. Git est un système de contrôle de versions qui permet de travailler à plusieurs sur tout type de fichier texte, et qui fonctionne de façon asynchrone. Git repose sur plusieurs étapes et rôles qui rappellent celles d’une chaîne d’édition.
5. Statique : contrairement à des systèmes de gestion de contenu classiques, les générateurs de site statique génèrent un site web sous forme de fichiers (HTML, CSS et JavaScript), sans bases de données ou langage dynamique. La plupart des sites web ne nécessitent pas des fonctionnements aussi complexes induits par des CMS comme WordPress ou Drupal où chaque page est produite à chaque consultation, reposant en plus sur des bases de données consommatrices de ressources. Un générateur de site statique distingue les étapes de publication (écriture, production, diffusion), ce qui est idéal pour le domaine de l’édition, et peut être utilisé aussi pour produire des formats comme le PDF ou l’EPUB.
Pour conclure, nous souhaitons illustrer les propositions développées dans notre texte par un exemple concret: la mise en place d’une chaîne modulaire par Getty Publications, la maison d’édition du musée The Getty à Los Angeles. Constatant les difficultés imposées par un CMS complexe conçu pour la production de publications numériques, l’équipe du département numérique a imaginé un système basé sur des briques logicielles en partie libres. La chaîne de publication numérique et modulaire produite, appelée Quire, repose sur différents composants: un générateur de site statique, un langage de balisage léger, un format de description de données et un processeur HTML/PDF. Elle permet de produire une version web et une version imprimée, aux côtés d’autres artefacts comme les formats EPUB ou MOBI. Eric Gardner, développeur et designer au sein de l’équipe d’édition numérique de The Getty, a bien compris les enjeux d’un tel développement: « Des sociétés comme Adobe ou Apple ont créé des outils très bien faits, mais qui possède vraiment vos contenus à la fin de la journée ? Si un produit cesse d’être maintenu, vous ne pouvez pas faire grand chose en tant qu’éditeur – vos travaux seront perdus[38] ». Ainsi, développer leur propre workflow leur permet de maîtriser l’ensemble de leur production, – jusqu’à sa diffusion.
Notons qu’une initiative similaire s’inspirant de Getty Publications a été réalisée par les auteurs du présent article. Le catalogue Les sculptures de la villa romaine de Chiragan publié par le Musée Saint-Raymond de Toulouse[39] a été édité grâce à une chaîne d’édition modulaire dont les composants sont différents de Quire, même si les fonctionnalités sont très proches. Nous avons donc ici deux exemples probants des hypothèses avancées.
La mise en place de tels workflow assure la cohérence entre le fond et la forme d’un projet éditorial multisupport ou multimodal, dans une perspective de design global qui ne se limite pas à ce qui est immédiatement visible. C’est ce que défend le designer Victor Papanek dans son célèbre ouvrage Design pour un monde réel: « le design est devenu « un outil à modeler les outils » qui permet à l’homme de transformer son environnement et, par extension, la société et sa propre personne […]. Le designer doit comprendre clairement l’arrière-plan politique, économique et social de ses actes[40] ».
Au-delà des possibilités offertes par les technologies du web en termes de modularité, interfaces de lecture et production, nous pouvons en conclusion présenter cinq concepts clés basés sur l’expérience de Quire :
Légèreté : la chaîne éditoriale, considérée comme système, est facilement installable ou déplaçable, elle ne dépend pas de logiciel particulier. Les fichiers sont tous écrits dans des formats ouverts et bien souvent lisibles par des humains – et non uniquement par des machines ou des programmes.
Soutenabilité : le maintien d’un tel système est possible et ne dépend pas d’entreprises tierces, mais plutôt de communautés constituées autour de programmes informatiques ouverts et libres. Chaque brique logicielle correspond à une fonction précise – la fonction prime sur l’outil qui remplit la fonction.
Pérennité : les fichiers sources utilisés dans la chaîne seront toujours lisibles et exploitables, indépendamment des logiciels ou programmes utilisés, comme par exemple le format Markdown[41].
Résilience : en cas de problème – briques logicielles qu’il faut supprimer ou remplacer – la chaîne peut se réadapter au nouvel environnement et évoluer.
Convivialité : les mêmes fichiers étant utilisés depuis la première phase (écriture) jusqu’à la dernière (génération des formats comme le PDF ou l’EPUB), tous les intervenants des projets éditoriaux peuvent se retrouver et travailler ensemble. Par ailleurs, cette ouverture des formats et des systèmes accroît le niveau d’engagement des acteurs du projet, puisque chacun peut s’approprier ces outils – nous retrouvons ici les 4 conditions du libre énoncées par Richard Stallman : utiliser, connaître, modifier, partager.
[1] De nombreuses applications sont disponibles, avec différents niveaux de compatibilité et de fonctionnalités – notons qu’elles possèdent leur propre rendu de lecture et qu’elles sont souvent basées sur les technologies du web.
[2] La technique d’impression la plus utilisée, pour les livres, est jusqu’au milieu des années 2000 l’offset, qui nécessite des tirages et des coûts d’entrées importants.
[3] Alessandro LUDOVICO, Post-digital print: la mutation de l’édition depuis 1894 (traduit par M.- M. Bortolotti), Paris, Éditions B42, 2016.
[4] Nous limitons volontairement notre champ de recherche aux livres et aux revues, en tant qu’objets clos, définis et diffusables sous différentes formes, qu’elles soient imprimées ou numériques.
[5] Éric SCHRIJVER, « Culture hacket et peur du WYSIWYG », Back Office, 2016, n°1, pp. 36-45.
[6] Bastien JAILLOT, La dette technique, Périgneux, Éditions le Train de 13h37, 2015.
[7] Ainsi, il n’est pas rare d’entendre des designers témoigner que le logiciel Adobe InDesign est la plupart du temps utilisé à 20% de ses capacités. Lors d’entretiens que nous avons mené, certains designers déclarent même qu’ils n’utilsent pas les feuilles de styles.
[8] Notons par exemple le projet MÉTOPES – Méthodes et outils pour l’édition structurée – développé par l’Université Caen Normandie. Le projet permet aux éditeurs d’organiser leur production et leur diffusion papier et numérique sur le modèle du Single Source Publishing.
[9] Gautier POUPEAU, Du livre électronique au wiki. Comprendre les enjeux techniques de l’édition électronique, Congrès de la commission internationale de diplomatique, 2005.
[10] HTML, de l’anglais HyperText Markup Language, est un format de données créé pour représenter les pages web. HTML est apparu en 1991, il est à la base du World Wide Web. C’est un langage de balisage permettant d’écrire de l’hypertexte, d’où son nom.
[11] CSS, de l’anglais Cascading Style Sheets est un langage informatique qui décrit la présentation des documents HTML et XML. Les standards définissant CSS sont publiés par le World Wide Web Consortium (W3C). Introduit au milieu des années 1990, CSS devient couramment utilisé dans la conception de sites web et bien pris en charge par les navigateurs web dans les années 2000.
[12] JavaScript est un langage de programmation de scripts inventé en 1995 et principalement employé dans les pages web interactives pour manipuler les objets. Il est aussi utilisé pour intéragir avec les serveurs avec l’utilisation (par exemple) de Node.JS.
[13] Max LYNCH, « What are Progressive Web Apps ? », The Ionic Blog, 18 mai 2016, [en ligne] https://ionicframework.com/blog/what-is-a-progressive-web-app/
[14] Julie BLANC, Lucile HAUTE, « Technologies de l’édition numérique », Sciences du Design, 2018, n°8, pp. 11-17.
[15] Voir le texte à paraître : Julie Blanc et Julien Taquet, « Publier demain » dans les actes de la journée d’étude « Penser un espace éditorial » tenue le 3 décembre 2018 à l’ÉSAD Grenoble Valence.
[16] Ethan MARCOTTE, Jeremy KEITH, Responsive Web design (traduit par C. Robert), Paris, Éditions Eyrolles, 2017.
[17] Ces fonctionnalités ne sont toutefois pas directement disponibles dans les navigateurs web et nécessitent d’utiliser des outils spécifiques comme le logiciel WeasyPrint ou la librairie Paged.js.
[18] Anthony MASURE, « La saisie comme interface », dans Sophie Fétro et Anne Ritz–Guilbert (dir.), colloque scientifique Collecta. Des pratiques antiquaires aux humanités numériques, Paris, École du Louvre, 2016.
[19] Voir à ce propos le billet de blog du concepteur graphique et éditeur Nicolas Taffin, « La vie n’est pas une « Creative Suite » » publié le 26 mai 2015 sur Polylogue.com. En ligne: https://polylogue.org/la-vie-nest-pas-une-creative suite/ (consulté le 20 mars 2020)
[20] « Google bloque-t-il l’accès aux Google Docs qu’il juge sensible ?», Le Figaro, 2 novembre 2017, [en ligne] https://www.lefigaro.fr/secteur/high tech/2017/11/02/32001-20171102ARTFIG00193-google-bloque-t-il-l-acces aux-google-docs-qu-il-juge-sensibles.php (consulté le 20 mars 2020)
[21] Selon le site marchand du service, aujourd’hui hors ligne mais consultable via la Wayback Machine: https://web.archive.org/web/20150502032539/https://creative.adobe.com/fr/products/dpsse
[22] « Adobe met fin à son offre de Digital Publishing sur iPad via la Suite Single Edition », mac4ever.com, 26 novembre 2014, [en ligne] https://www.mac4ever.com/actu/96027_adobe-met-fin-a-son-offre-de-digital publishing-sur-ipad-via-la-suite-single-edition (consulté le 20 mars 2020)
[23] « Adobe shuts down Photoshop in Venezuela », bbc.com, 8 octobre 2019, [en ligne] https://www.bbc.com/news/technology-49973337 (consulté le 20 mars 2020)
[24] La compatibilité n’est par ailleurs pas toujours assurée au sein d’un même logiciel, une mise à jour pouvant soudainement ne plus assurer la rétrocompatibilité avec des formats issus de versions plus anciennes.
[25] Publishing, O. S., Open Source Publishing, Relearn, 2011, n°1, pp. 35–46.
[26] Gilbert SIMONDON, Du mode d’existence des objets techniques, Paris, Éditions Aubier, 2012.
[27] LaTeX est un langage et un système de composition de documents basé sur des micro-commandes. Il a eu un très grand succès dans les domaines techniques et scientifiques grâce à son mode mathématique qui permet de composer des formules complexes.
[28] AsciiDoc est à la fois un langage de balisage léger est une duite logicielle qui permet de transformer des fichiers textes balisés en des documents publiables mis en forme (site web, fichiers EPUB ou PDF)
[29] Annick LANTENOIS, « Ouvrir les chemins », Graphisme en France, 2012, pp. 13–22.
[30] Lev MANOVICH, Yann BEAUVAIS, Mark TRIBE, Le langage des nouveaux médias (traduit par R. Crevier), Dijon, Éditions les Presses du réel, 2010.
[31] Yves JEANNERET, Y a-t-il (vraiment) des technologies de l’information ?, Villeneuve d’Ascq, Éditions Presses universitaires du Septentrion, 2011.
[32] Ibid.
[33] SIMONDON Gilbert, Du mode d’existence des objets techniques, op. cit.
[34] Anthony MASURE, Le design des programmes: des façons de faire du numérique, Thèse de doctorat, Université Panthéon-Sorbonne, Paris, 2014.
[35] SIMONDON Gilbert, Du mode d’existence des objets techniques, op. cit.
[36] Florian CRAMER, Pierre CUBAUD, Marin DACOS, Yannick JAMES, Annick LANTENOIS, Lire à l’écran: contribution du design aux pratiques et aux apprentissages des savoirs dans la culture numérique, [actes de la journée d’étude Lectures numériques, Valence, 11 mars 2010], Paris, Valence, Éditions B42, ESAD Grenoble-Valence, 2011.
[37] Frédéric BORDAGE, Stéphane BORDAGE, Jérémy CHATARD, Éco-conception Web: les 115 bonnes pratiques: doper son site et réduire son empreinte écologique, Paris, Éditions Eyrolles, 2015.
[38] Antoine FAUCHIÉ, Éric GARDNER, « Publier des livres avec un générateur de site statique », jamstatic.fr, 23 janvier 2017, [en ligne] https://jamstatic.fr/2017/01/23/produire-des-livres-avec-le-statique/
[39] Pascal CAPUS, Les sculptures de la villa romaine de Chiragan, Musée d’Archéologie de Toulouse, 2019, [en ligne] https://villachiragan.saintraymond.toulouse.fr//
[40] Victor PAPANEK, Richart B. FULLER, Design pour un monde réel: écologie humaine et changement social (traduit par R. Louit et N. Josset), Paris, Éditions Mercure de France, 1974, pp. 23-25.
[41] O. REICHENSTEIN, Multichannel Text Processing, iA Blog, 10 juin 2016, [en ligne] https://ia.net/topics/multichannel-text-processing