« Mon voyage en Finlande m’a montré une autre approche de la vie urbaine et de la relation entre l’homme et la nature qui l’entoure. Pendant mon séjour, j’en ai moi-même adopté les codes et les manières appelés là-bas « slow-living » ou « downshifting » qui signifient « vivre lentement », « ralentir » et amènent chacun à observer et à s’immerger dans la nature environnante. Les habitants sont attentifs aux cycles naturels, respectueux de leur paysage et y sont même encouragés par des lois comme le droit universel à la cueillette, au camping sauvage, à la pêche,… Le citadin finlandais est à la fois cueilleur, marcheur, navigateur,.. Il se confronte tous les jours à l’environnement naturel urbain et péri-urbain et sait tirer parti de cette proximité sans en abuser, avec respect et patience.
Dans les villes françaises, on construit, on détruit, on pousse les limites, on écrase, on s’installe. La nature subit ces interventions humaines et se trouve, en effet, repoussée de plus en plus loin des espaces anthropisés. Pourtant, elle rythme la vie des citadins en les sortant d’une monotonie certaine. L’organique est en mouvement perpétuel tandis que le minéral reste immobile. La nature change et s’exprime au fil des saisons. Elle façonne le paysage urbain et accompagne lentement le tumulte de la ville.
La nature s’exprime de façon différente selon la place que nous lui laissons. Elle façonne l’environnement urbain et imaginaire de ceux qui vivent en ville et empêche aux individus de devenir des habitants standardisés. Elle est un vecteur d’enrichissement, de développement, de socialisation et d’inspiration. Je me suis demandé comment cette dimension poétique et vecteur de confort se manifestait dans la ville, quelle était la place du designer dans ce schéma urbain, comment pouvait-il rendre perceptible la poésie des rythmes et des sens introduit par la nature et que pouvait-il entreprendre pour réunir les protagonistes de ce roman binaire homme / nature.
Après une étude attentive des différentes métamorphoses de la nature en ville et ce qu’elle nous apportait en terme biologique, social et lyrique et une recherche approfondie sur les pollinisateurs urbains, notamment l’abeille, j’ai pu comprendre que la compréhension de la nature urbaine était une étape importante dans la conquête du vivre ensemble. Le citadin, pour être en phase avec ses semblables et son milieu de vie, doit entamer un changement d’attitude passant par une écoute plus attentive de ce qui l’entoure et de ceux qui l’entourent.
Aborder la nature urbaine par une approche poétique semble être une solution pour préserver l’environnement et faire de la ville un endroit de vie confortable. Cette relation ne pourra se faire sans la prise en considération des rythmes organiques (les saisons, les besoins en trames vertes et bleues,…) et des dynamiques humaines (le parcours dans la ville, les transports, les limites entre voiries et bâti,…), de l’approche sensible du promeneur et de la présence d’une certaine biodiversité dans la ville. Selon les scénarios urbains qui lui font face, le designer devra donc prendre en compte la sensibilité de chacun et s’adapter aux contraintes culturelles, spatiales et naturelles en se plaçant en réel médiateur. L’étude des pollinisateurs urbains comme les abeilles apparaît ici comme un outil dont le designer peut se servir pour rééquilibrer la relation entre les habitants et la trame verte de leur ville. »
Violaine TOTH (DNSEP 2017).