Le travail de Bérénice Serra propose de repenser les modes de conception, de production et d’échange des formes culturelles à l’ère du numérique. Passeuse d’images générées par les utilisateurs, de livres hybrides participatifs ou d’expositions sauvages, Bérénice Serra s’intéresse surtout au problème de la publication, c’est-à-dire, de la mise en circulation de contenus dans l’espace public. En considérant les appareils et infrastructures techniques du numérique (smartphones, serveurs, plateformes, etc.) comme moyens de publication et d’édition réticulaires, donnant aux individus des nouvelles armes, les œuvres de Bérénice Serra soulèvent les enjeux esthétiques et socio-politiques de l’expérience contemporaine de l’espace public.
Galerie, exposition infiltrée et site internet, 2016.
http://berenice-serra.com/galerie/
En octobre 2016, le projet Galerie a donné lieu à une exposition collective détournant les écrans des smartphones en exposition dans un espace commercial. Interrogeant à la fois les modalités d’exposition et de circulation des œuvres d’art à l’ère numérique, Galerie révèle avant tout un espace virtuel de publication de contenus, en porte-à-faux entre espace public et espace privé. Les œuvres, conçues pour l’occasion par Selma Lepart, Guillaume Viaud, Éric Watier, Michaël Sellam, Benoit Pype et Julien Nédélec, ont été transmises aux téléphones, grâce à une fonction standard des smartphones : le transfert de données via la norme Bluetooth.
Public, collection d’images, site internet et journal gratuit, 2016-2019.
Dans les magasins d’électronique partout dans le monde se trouvent des smartphones placés en exposition, à disposition de potentiels acheteurs. Fixés au mobilier, ces objets inclinés et alignés ne sont plus vraiment « mobiles », ni même « personnels ». Pourtant, toutes les fonctionnalités premières intégrées aux smartphones sont opérationnelles : prise de note, agenda, contacts, appareil photo, horloge, etc. Certains visiteurs activent alors la caméra – par défaut, celle qui se trouve à l’avant de l’appareil. Une fois la prise de vue décidée, l’image se retrouve stockée automatiquement (et sans intervention) dans la galerie d’images du téléphone. Depuis 2016, le projet PUBLIC consiste à collecter les portraits abandonnés sur ces téléphones. L’enjeu premier de cette collection est de repenser la mise en circulation de ces images produites par des utilisateurs, ainsi que leur mode de diffusion. La distribution, dans des lieux ouverts au public, du journal gratuit PUBLIC réactive certains enjeux plastiques liés à l’histoire du portrait à l’heure des bases de données entraînant les algorithmes de reconnaissance faciale.
Résidence, protocole d’exposition, vues 360, site internet, édition imprimée à la demande, 2018.
berenice-serra.com/residence
Partant du constat qu’en saisissant l’espace public, le service Google Street View capture avec lui les œuvres installées dans cet espace (street art, jardins de sculptures, 1%, etc.), le projet Résidence propose de mettre à l’épreuve le potentiel d’exposition d’œuvres numériques originales à l’intérieur de cette même plateforme. Le protocole de Résidence, permet alors à quiconque de télécharger, modifier puis charger à nouveau des vues 360 à l’intérieur de la plateforme Google Street View. Il repose sur l’outil de publication ouverte contenu dans l’application Street View, pour smartphone, qui autorise tout utilisateur à augmenter la cartographie visuelle en ligne. Cet outil, initialement mis en place afin de dégager la responsabilité de l’entreprise américaine vis-à-vis des contenus publiés – par l’application du droit d’auteur sur les images prises par les utilisateurs -, ouvre une brèche créative dans son utilisation. Les images ne sont soumises à aucune modération de la part de Google et ne seront retirées qu’en cas de signalement d’un « contenu indésirable ». Embrassant les occasions de détournement données par le fonctionnement même de l’outil de publication, ce projet compte aujourd’hui les participations de Marion Balac, Raphaël Fabre, Arzhel Prioul, Seitoung, Bérénice Serra, Julien Toulze et Mathieu Tremblin. Les œuvres sont visibles en ligne, par l’ensemble des utilisateurs de Google Street View. Le site internet du projet rassemble les contributions, le protocole, une édition imprimable à la demande ainsi qu’un texte théorique.